30/01/2019

INTERVIEW : Léna Le Goff, Directrice des Sources de Caudalie

news-main-lena-le-goff-directrice-des-sources-de-caudalie.1548767706.jpg Bildnachweis: Les Sources de Caudalie

Depuis décembre 2018, Léna Le Goff est devenue directrice des Sources de Caudalie. Après avoir œuvré, depuis près de vingt ans, au sein de différents groupes internationaux et de grandes maisons parisiennes (Le Dokhan’s, Grand Powers et dernièrement le Grand Hôtel du Palais Royal), elle revient dans la région bordelaise où elle a auparavant travaillé au Regent Grand Hotel Bordeaux. Dans ce palace niché au cœur des vignes, elle nous révèle les raisons de ce choix mais aussi les valeurs qui guident désormais sa conception de son métier.

Vendom.jobs - Après avoir travaillé pour des grands groupes internationaux, pourquoi le choix d’une entreprise familiale ?

Léna Le Goff – Les Sources Caudalie est en fait ma deuxième entreprise familiale [après Grand Hôtel du Palais Royal]. Je dirais que tout dépend de la personnalité de chacun. Je suis quelqu’un de très autonome, j’aime contribuer, apporter mes idées. Pour moi, passer par des entreprises familiales me permet de construire avec le propriétaire et d’avoir un rôle d’accompagnant en même temps qu’un rôle de DG. Après avoir établi un lien de confiance, on est considéré comme un partenaire, on engage un véritable partenariat avec le propriétaire. On obtient alors un sentiment de réalisation beaucoup plus proche d’une réalisation individuelle.

V.J- Que vous inspire cet environnement/ la région en termes d’expérience et d’excellence ?

L. L. G. - J’avais le souhait de me rapprocher de la nature pour donner du sens à ma mission. Après avoir acquis une certaine expérience et avoir beaucoup voyagé, on éprouve le besoin d’être en lien avec ses valeurs. Mes valeurs personnelles s’inscrivent dans une responsabilité sociétale, le fait de vouloir apporter sa pierre à l’édifice et rendre le monde « un peu meilleur ». Il était très important pour moi de me retrouver dans un lieu qui ait un lien avec la nature.

Aux Sources de Caudalie, nous travaillons avec notre propre potager dans une démarche responsable, en biodynamie. Nous privilégions les circuits courts. Nous donnons ainsi du sens à notre métier d’hôtelier, et encore plus en étant dans l’hôtellerie de luxe, en conservant ce lien avec l’environnement direct.

C’est une démarche partagée même par les clients qui viennent bien sûr aux Sources de Caudalie pour y vivre une expérience unique. Ils viennent pour se ressourcer. Plusieurs m’ont témoigné leur plaisir d’avoir pu satisfaire, au sein de notre établissement, leur besoin de se couper de leur environnement quotidien mais de façon positive, en se laissant porter par le lieu et ce que nous y proposons.

V. J. - Quels sont les atouts de ce type d’établissement (par rapport aux grands hôtels de métropole) ?

L. L. G. - Il y a plusieurs raisons de vouloir venir aux Sources de Caudalie. On peut y venir pour le vin avec les vignobles du château Smith Haut Lafitte. On peut y venir pour le spa avec les produits Caudalie. On y vient donc surtout pour l’authenticité d’une demeure et d’un cadre magnifiques grâce aussi à la façon dont ont été rénovés et aménagés les bâtiments avec l’utilisation uniquement de matériaux naturels, anciens privilégiant le remploi. Comme pour la piscine intérieure, par exemple, réalisée il y a 3 ans avec des bois anciens récupérés. Il existe donc aux Sources de Caudalie une âme d’authenticité, d’enracinement, de quête de sens. Cela s’inscrit profondément dans les questionnements de notre époque aussi.

Tour de la Dégustation

V. J- Pour vous quelles sont les clefs de l’accueil et de l’hôtellerie de luxe ?

L. L. G. - Pour moi, le luxe a toujours été d’avoir le choix. Par exemple, si l’on a envie d’être pris en charge complètement, on peut. C’est-à-dire que si l’on souhaite demander un café au room service, on peut mais on peut aussi le faire avec sa propre machine à espresso dans la chambre. Ou encore, demander au service d’étage de s’occuper de ses vêtements, etc. Pour moi, le luxe est donc d’avoir à tout moment le choix de mener la vie que l’on désire.

Les clefs de l’accueil sont surtout, de mon point de vue, l’empathie, l’écoute de l’autre. Arriver à déceler, de manière très bienveillante, ce que le client souhaite avoir comme expérience. Tout le monde n’aura pas les mêmes attentes. Tout le monde n’aura pas la même façon de juger d’une expérience réussie. Notre mission dans l’hôtellerie de luxe est vraiment d’arriver à comprendre très rapidement et de manière intuitive comment on va arriver à sublimer l’expérience du client que l’on a en face de nous, de manière très personnelle et pour cela il faut de l’écoute.

V. J. - Percevez-vous des tendances à venir dans ce secteur ?

L. L. G. – Une tendance qui est déjà là mais se renforce est la notion de beau ; de beau qui va avec le bien. C’est-à-dire, on a bien sûr une importante dimension d’esthétique qui est déjà présente depuis longtemps dans les grands palaces des métropoles, sur la Côte-d’Azur ou dans nos régions mais elle est désormais couplée avec la notion de bien. Non seulement une recherche de se sentir bien mais aussi de donner du sens. Pour moi sont désormais présents ces trois piliers et une harmonie (un cercle) qui se dessine entre ces trois domaines-là [esthétique, bien, sens]. Si l’on veut réussir aujourd’hui dans l’hôtellerie de luxe, on doit pouvoir répondre à cette dimension de beauté, d’esthétique mais aussi à la dimension de bien sous tous ses aspects de la nourriture que l’on va proposer, les soins, la qualité de l’air environnant, la luminosité dont on va pouvoir bénéficier dans la chambre, etc. Et, en troisième lieu, la capacité à donner du sens à cela en rapport avec sa recherche personnelle.

V. J. – Est-ce une prise de conscience récente dans l’hôtellerie de luxe ou quelque chose que vous avez perçu se développer au long de votre carrière ?

L. L. G. – J’ai le sentiment de l’avoir vu se développer en effet. Peut-être est-ce mon ressenti en tant que femme, un point de vue un peu maternel attaché à cette recherche d’harmonie, de réalisation. Ce sont des valeurs qui sont en général plus portées par le féminin mais je pense que, de plus en, plus il existe un éveil des consciences qui veut que si l’on a les moyens, on a aussi des devoirs et des responsabilités. C’est une prise de conscience assez récente finalement mais qui devient partagée par tous.

Alors, un autre point sensible est le passage à l’ère du digital. J’ai vu ces deux dernières années ce courant prendre de plus en plus de place, changeant nos vies de façon presque totale. Un peu comme à l’ère de l’explosion industrielle, nous devons envisager comment le digital est en train de changer nos modes de consommation, la façon dont nous percevons notre consommation mais aussi comment nous nous comportons pensons, comment nous partageons des idées et cela est en train de changer tous les métiers mais surtout les métiers se service.

V. J. – N’est-ce pas justement un défi de créer une belle harmonie entre la recherche d’authenticité et l’évolution rapide et exponentielle des outils numériques ?

L. L. G. – Depuis que je travaille avec des propriétaires privés, j’ai l’occasion de pouvoir jauger plus directement la façon dont on insère ce digital. En fait, il existe deux courants : le premier est celui qui tend à développer des hôtels autour du digital, souvent les hôtels plus urbains, contemporains, en l’intégrant vraiment dans leur offre. Grand Powers, Le Grand Hôtel du Palais Royal et maintenant les Sources de Caudalie sont des hôtels extrêmement élégants qui possèdent une réelle dimension d’esthétique où justement le digital n’est pas le fil conducteur mais un support pour garder l’établissement en connexion avec l’air du temps. Il faut qu’il passe en fait inaperçu, qu’il se mette au service de notre vision d’authenticité, d’élégance, qu’il devienne un élément presque naturel que l’on trouve quand on en a besoin mais qui n’est pas nécessairement mis en avant. C’est extrêmement important pour un établissement comme les Sources de Caudalie, qui reprend les codes de l’architecture de la région et de ses matériaux traditionnels, que l’on y insère le digital par touches quasiment imperceptibles.

Suite Junior

V. J.- Un management réussi pour vous est ?

L. L. G. – Pour moi un management réussi est déjà un management qui se remet souvent en question par rapport aux équipes que l’on a en face de soi, qui n’est pas figé. Et justement, le digital a changé notre manière d’interagir avec l’autre, notre relation même au travail. Donc un management réussi est un management qui est à l’écoute, bienveillant, et qui va comprendre quels sont les leviers de motivation des personnes que l’on a avec soi. En même temps, il faut savoir créer un accompagnement. Tous, à tous les niveaux, nous cherchons- à comprendre le cadre dans lequel on évolue, ses limites, pour savoir comment se positionner dans cet environnement. Donc, un bon management doit expliquer où sont les guidelines, où l’on souhaite aller et tout ceci en donnant du sens aussi à la mission. En tant qu’humains, clients ou personnel, il est capital que l’on trouve un sens à ce que l’on accomplit.

Il y a, pour moi, deux aspects à un management réussi : être à l’écoute, comprendre les motivations pour aider les équipes à se réaliser et fonctionner et, en parallèle, donner un cadre, donner du sens, communiquer pour que les gens adhèrent et que l’on avance tous ensemble. Pour cela, j’accueille toujours avec plaisir les propositions des membres des équipes pour que l’on puisse réfléchir ensemble à des améliorations en adéquation avec les valeurs portées par le lieu (par exemple réduire la production de déchets). Cela nous rend tous responsables et permet de participer, de se réaliser au sein de l’entreprise en plus des tâches quotidiennes attribuées. L’ensemble de l’organisation ne peut qu’y gagner.

V. J. - Votre luxe ?

L. L. G. – Par rapport à l’expérience que j’ai vécue à Saint-Martin [à la direction du Radisson Blu], mon luxe reste le bleu turquoise de l’eau des Caraïbes avec la végétation luxuriante. Le vert intense de la végétation tropicale. Dans cet environnement où il fait constamment 28°, que le corps est bien, la nature est partout avec ses explosions de couleurs. C’est le luxe offert par la nature qui nous fait prendre aussi conscience que rien n’est durable, que cette beauté est fragile et que nous avons des devoirs par rapport à ce patrimoine. Le travail que nous avons à y accomplir passent aussi par la communication et agir ensemble.

 

Interview réalisée le 10/01/19

Traduit par Tania Ricci

 

Les Sources de Caudalie

Smith Haut-Lafitte

33650 Martillac - FRANCE

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