15/07/2020

INTERVIEW : Frédéric Picard, fondateur de Cap Hospitalité

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C’est à travers une carrière dessinée aux quatre coins du monde, que Frédéric Picard a forgé une vision de l’hôtellerie nourrie de multiculturalité. Evoluant rapidement au sein des plus grands groupes internationaux – il devient à 33 ans plus jeune directeur général d’un InterContinental – il passe aisément d’une marque à l’autre et y développe une flexibilité et une connaissance des contextes qui font, depuis la fondation de sa société de conseil, Cap Hospitalité, la recherche de son expertise. Des gros vaisseaux hôteliers qu’il a fait briller (en 2007 le Jumeirah Beach Hotel a reçu le prix « Meilleur hôtel de loisirs au monde », par le Business Traveller UK Awards), aux entrepreneurs visionnaires, tels que Franck Marrenbach, CEO Oetker Collection (pour le Château Saint-Martin et L’Apogée Courchevel) ou Michel Reybier, pour La Réserve Paris, tous ont fait confiance à sa réflexion affutée et à sa vision globale. Il expose aujourd’hui à vendom.jobs ce qui fait la spécificité de son entreprise.

Vendom.jobs- Pourriez-vous nous présenter les grandes étapes de votre carrière et ce qui vous a amené dans le secteur du conseil ?

Frédéric Picard - J’ai fait des études hôtelières classiques. J’ai ensuite réalisé une coopération militaire chez Accor à Moscou, ce qui m’a donné le goût de découvrir d’autres cultures et d’autres façons de faire de l’hôtellerie. Je suis alors parti aux USA jusqu’à mon retour en France où j’ai commencé à travailler pour le groupe Flo et je suis devenu directeur général adjoint de La Coupole. Recruté par Le Méridien Étoile, j’y ai participé à la mise en place du passage des 35h et donc mené une réflexion globale pour apprendre comment gérer ses équipes, dégager une rentabilité économique, etc.

Ayant travaillé au Méridien de Bangkok, passé sous l’enseigne InterContinental, j’ai rejoint l’InterContinental de la rue Castiglione. Le groupe racheté par un fond d’investissement singapourien intégra alors la marque Westin. J’ai donc acquis durant cette période une large compréhension des différents groupes hôteliers internationaux. C’est également à cette époque que j’ai passé un Master en management hôtelier international.

Durant mon séjour à Dubaï (Jumeirah Beach Hotel), je fus approché par Atlantis Dubaï pour développer leur resort au Maroc. Durant ces expériences, et notamment au Mazagan Beach Resort, dont j’étais le directeur général, je me suis aperçu que le contact avec les clients, dans ces immenses structures, me manquait. J’ai eu alors la chance d’entrer en contact avec le groupe Oetker et je suis devenu le directeur général du Palais Namaskar. Je revenais alors au métier d’hôtelier proche de ses hôtes, qui travaille à créer des expériences, une fidélité.

De retour à Paris, je me suis vu confier par Michel Reybier l’ouverture de La Réserve Paris. En 18 mois, nous avions obtenu deux étoiles Michelin et la certification palace… C’est au cours de ces dix dernières années que j’ai porté ma réflexion sur ce que je souhaitais continuer à faire : repartir travailler à l’international pour des gros porteurs ou travailler pour des propriétaires indépendants, ce qui procure une plus grande flexibilité et rapidité au niveau décisionnel.

J’ai donc, grâce à ma connaissance de la partie opérationnelle, créé mon cabinet de conseils et accompagnement de projets, Cap Hospitalité, dont la raison d’être est le développement des projets, aussi bien en amont qu’en aval, et la mise en place de recommandations stratégiques.

V. J. - Pourriez-vous nous présenter Cap Hospitalité ? Les constats qui sont à l’origine de sa genèse ? Ses principaux axes d’expertise/d’actions ?

F. P. – J’ai souvent été approché, à La Réserve Paris, par des clients qui souhaitaient ouvrir des hôtels. Mais ils étaient intéressés par l’âme de la maison, mon métier d’hôtelier proche des ses hôtes, ce côté intime et personnalisé.  J’ai donc commencé à travailler avec eux dès le début de mon entreprise mais pas seulement. J’ai très vite décidé d’étendre mon activité au secteur de l’hospitalité au sens large. Je suis donc intervenu pour un groupe de Residence Senior Service, où j’ai aidé à intégrer les services de l’hôtellerie haut de gamme. J’ai participé au repositionnement d’un hôtel 5 étoiles en Espagne, etc. Pour les Maisons Pariente, nous avons écrit ensemble l’histoire, de A à Z, en partant d’une page blanche. Je m’y suis investi dans le business plan, la stratégie, l’acquisition des établissements, le positionnement. Je continue aujourd’hui à accompagner la partie stratégique. A mon sens, mon expertise de l’univers hôtelier était entièrement duplicable à l’ensemble de l’industrie. Je suis heureux d’annoncer que le Coucou Meribel vient d’être nommé comme meilleure ouverture d’hôtel par Conde Nast Travel en 2020

V. J. – Quelle est sa complémentarité avec Hoctopus Partners ?

F. P. – En montant mon cabinet de conseil j’ai suivi une formation HEC portant sur comment re-inventer son business modèle. Je me suis dit, je suis seul, comment puis-je regrouper des gens autour de moi pour aller plus loin ? J’ai alors recontacté plusieurs collègues anciens hôteliers. Nous avons réalisé que notre force serait de se regrouper pour fournir des services à la carte ; ce qui est plus pertinent, agile et disruptif. A quatre, nous avons fondé ce cabinet de conseil et d’accompagnement de projet. L’ensemble des experts métiers avec qui nous travaillons sont tous indépendants et nous faisons appel à eux en fonction des missions qui nous sont proposées. Par exemple, pour la réouverture du Lutetia en 2018, nous étions chargés d’accompagner la préouverture. Un de nos collaborateurs a eu la charge de la formation des équipes in situ. La solution que nous proposons permet aux clients d’avoir un seul point de contact qui va leur permettre de trouver l’ensemble des experts nécessaires à la réalisation de leurs projets.

V. J. – De par vos diverses expériences à l’international, percevez-vous des cultures différentes de l’hospitalité et du luxe ?

F. P. – Quand on a eu la possibilité de travailler dans différent pays, on se rend compte que chaque pays a ses codes, ses coutumes. Fort de ces constats, j’ai dégagé un fil rouge indispensable au succès des établissements et qui peut se définir en trois notions qui se complètent et s’intersectionnent : générosité, anticipation, sens du détail. La générosité signifie être disponible pour comprendre les attentes du client qu’elle que soit sa culture. Cette générosité permet de connaître et donc d’anticiper et bien préparer l’arrivée du client et une préparation optimale passe par le sens du détail. C’est sur ce fil rouge que j’ai toujours positionné ma réflexion dans tous les projets que j’ai menés. La générosité humaine est, de nos jours, la condition sine qua non à la réalisation d’une expérience client réussie.  Nous sommes face à des clientèles qui peuvent acheter tout ce qu’elles veulent mais l’attention sincère et authentique, qui toucheront le client, restent inestimables. Pour cela, nous devons nous appuyer sur les équipes qui sont en contact direct avec ces clients. C’est grâce à elles que nous pouvons trouver ce qui fera plaisir au client.

V. J. – On évoque souvent une gestion plus horizontale du personnel à l’heure actuelle. Quel serait pour vous le management de demain ?

F. P. – Je pense que le client qui entre dans une de nos maisons souhaite être capable de trouver une réponse rapide qu’elle que soit sa question. Ainsi, à La Réserve Paris, nous n’avions ni de réception ni de conciergerie. La conciergerie pouvait faire les check-ins et inversement. L’objectif était la prise en charge du client dès son arrivée, sans attendre. Nous tendons de plus en plus vers la polyvalence de nos collaborateurs, même si certains métiers conservent leurs spécificités techniques. Les clients apprécient cette fluidité et les employés trouvent une réelle gratification dans cette transversalité. Chacun doit être capable être de répondre au client, de l’accompagner, d’apprendre ainsi à le connaître et comprendre comment lui faire plaisir. Bien sûr, cela est plus facile à mettre en œuvre pour des établissements comportant peu de clefs.

V. J. – Quels sont pour vous les actuels, et proches futurs, enjeux de l’hôtellerie de luxe ? Comment pourra-t-elle y répondre ?

F. P. – Je pense qu’il va exister une concurrence accrue. Mais, pour moi le « luxe » est une notion de plus en plus utilisée, à n’importe quel escient. Elle est devenue un argument commercial plus qu’un réel positionnement. La question est « Qu’est-ce que le luxe aujourd’hui ? » Il reste, bien entendu, des éléments physiques qui confèrent aux établissements cette aura de luxe, la qualité des matériaux utilisés notamment. Mais quelle est la prochaine étape ? On a longtemps parlé de « lifestyle ». Je pense que les gens auront besoin d’authenticité et qu’elle peut se développer dans un cadre idyllique ou dans un environnement qui l’est moins mais, avant tout, entouré des gens que l’on aime. En ces temps, la notion de famille est centrale et je pense que cela va perdurer. Être en accord avec son environnement également. Pouvoir partir en vacances en famille et partager des moments forts et de qualité, ensemble pour recréer des liens.

V. J. – Quelle serait alors votre définition du luxe ?

F. P. – Il s’agirait plutôt du bien-être pour moi. C’est-à-dire être avec ses proches, vivre des moments joyeux et partager, transmettre. Je partage souvent avec des jeunes collaborateurs d’école hôtelière sur les réseaux sociaux. Je me fais fort de leur répondre. J’ai envie de transmettre cette envie de faire de l’hôtellerie, de réussir, de prendre des risques. Comme je l’ai souligné, le luxe est un terme trop dévoyé aujourd’hui. Je tends plus vers l’authenticité.

 

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