Formé aux côtés de figures aussi exigeantes qu’inspirantes, Noé a développé une vision de la sommellerie où technicité rime avec écoute, transmission, humilité. Lauréat du Gassier Challenge avant ses 25 ans, il revendique une approche du vin profondément humaine et engagée : celle d’un ambassadeur des vignerons, d’un passeur d’émotions, d’un artisan du lien entre la terre, le verre et l’invité.
Dans cette interview, il revient sur les étapes fondatrices de son parcours, partage ses réflexions sur le rôle culturel du sommelier aujourd’hui, et révèle une sensibilité rare, nourrie par les rencontres, la mémoire des lieux et le goût du partage.
Le lien au vin se tisse souvent avec le temps, au fil des rencontres, des paysages, des émotions. Y a-t-il eu, pour vous, un instant révélateur – un lieu, une personne, une émotion sensorielle – qui vous a donné l’envie d’en faire le fil conducteur de votre parcours ?
Ma première connexion émotionnelle avec le vin remonte à ma première visite dans le vignoble à Cassis, au Clos Saint Magdeleine, un domaine mythique en Provence. Tout d’abord en me promenant parmi les vignes, qui poussent à même la roche calcaire, baignées par le soleil et les brumes marines. Après avoir dégusté ce vin et vu où poussaient les vignes, j'ai pu mieux le comprendre : sa générosité due au soleil, la fraîcheur amenée par le sol et la salinité apportée par les embruns marins. J'ai réalisé que le vin reflète véritablement le lieu où poussent les vignes. J'ai donc compris pour la première fois l'expression du lieu, du terroir, dans le vin.
Votre parcours vous a mené au cœur de maisons d’exception, auprès de chefs aux univers profondément singuliers : Ludovic Turac, Anne-Sophie Pic, Arnaud Donckele. En quoi le regard de ces grands chefs a influencé votre propre rapport au goût, à l’harmonie, au rythme du service ou même de la sommellerie en général ?
Travailler avec ces chefs m'a appris ce que signifie être passionné par son métier. En voyant l'énergie et le dévouement qu’ils mettent dans leur cuisine, je me rends compte que c'est un métier qui exige beaucoup de générosité et de sens du partage.
Ce qui m'a également impressionné, c'est le sens du goût dans la combinaison des saveurs. Quand on a la chance de discuter des accords mets-vins, c'est tout simplement magique. Il s’agit de comprendre comment un plat réagit à un vin, mais aussi comment cet accord peut raconter une histoire, faire vivre une expérience et créer un lien avec le client.
Vous avez remporté le Gassier Challenge avant même vos 25 ans, une reconnaissance rare. Qu’est-ce que cette réussite a confirmé ou révélé chez vous ? Et au-delà du concours, comment cette expérience a-t-elle contribué à votre manière de travailler aujourd’hui ?
Cette compétition m'a vraiment aidé à grandir. Notamment pendant le processus, en me permettant d'acquérir beaucoup de connaissances, tout en acceptant les critiques et en les transformant de manière positive. Cela m’a permis d’apprendre à me dépasser à un moment où je devais mettre de côté la pression et essayer d'être aussi fidèle que possible à moi-même.
Lorsque vous participez à un concours, vous comprenez, avant tout, que ce n'est pas une fin en soi. J'ai rapidement réalisé qu'il s'agit d'un métier dans lequel on apprend chaque jour et qui est en constante évolution.
Il est donc important de comprendre que ce que nous pensons savoir n'est que le début de l'apprentissage.
Vous revendiquez un lien fort avec le terroir, les gestes agricoles, les visages derrière les vins, une approche ancrée, humaine, profondément engagée. Dans cette perspective, selon vous, quel rôle social et culturel le sommelier peut ou doit-il jouer aujourd’hui ?
Le sommelier est véritablement l'ambassadeur des vignerons, racontant tout le travail accompli dans le vignoble et la cave pour obtenir ce résultat final dans le verre.
J'aime visiter le vignoble et même passer du temps dans la cave pour participer au processus de vinification afin de comprendre réellement ce travail et de le décrire aussi précisément que possible. Mais ce que j'aime aussi dans ce métier, c'est le fait de perpétuer une tradition française et de promouvoir le vin comme partie intégrante de notre patrimoine français.
La sommellerie, chez vous, semble dépasser la seule maîtrise technique : elle relève aussi de l’écoute, de l’attention, d’un certain art de la présence. Qu’est-ce qui, selon vous, distingue un bon sommelier d’un grand sommelier ?
Pour moi, ce qui distingue un sommelier, c'est avant tout sa sensibilité : sa capacité à écouter ses clients, à transmettre ce qu'il a vu et appris dans les vignobles. Mais aussi sa générosité, son amour du don et du partage avec ses invités et son équipe. Mais, je pense que l'un des aspects les plus importants est également l'humilité, tant dans l'acquisition des connaissances que dans la manière dont elles sont transmises.
Vous êtes encore jeune, mais votre parcours témoigne déjà d’une réelle conscience de la transmission. Comment abordez-vous la responsabilité de transmettre un savoir qui dépasse la technique ?
En tant que jeune sommelier, j'ai personnellement beaucoup appris de mes rencontres avec les autres, au-delà des aspects techniques qui constituent bien sûr le socle de nos connaissances. Les rencontres nous amènent à réfléchir et à approfondir notre culture, et elles nous aident également à forger notre opinion sur notre métier. Nous devons donc offrir aux jeunes sommeliers la possibilité de visiter régulièrement les vignobles et de rencontrer des acteurs impliqués dans ce monde.
Et pour terminer sur une note personnelle, si vous étiez :
- Un cépage :
Si j'étais un cépage, je serais le Vermentino, avant tout pour son caractère joyeux et accessible, mais aussi parce que c'est un cépage méditerranéen qui adore voyager ! C'est un cépage blanc originaire d'Italie, au caractère parfumé et fruité, mais qui reflète également très bien son terroir et vieillit admirablement bien.
- Un plat pour accompagner un vin blanc :
Une cuisine que j'adore accorder aux vins blancs est la cuisine grecque. J'imagine des mezzés autour de poivrons grillés, d’olives Kalamata, ou le tzatzikis aux notes de menthe et d’huile l’olive.
- Un terroir emblématique :
Je pense que mon terroir préféré est l'Hermitage, dans la vallée du Rhône septentrionale. Une colline légendaire composée d'une multitude de sols différents, un éperon rocheux qui s'est détaché du Massif central il y a des millions d'années !
- Une musique idéale pour partager un verre de vin :
J'adore la musique française, pourquoi pas Charles Aznavour, accompagné d'un vieux millésime de Bordeaux qui nous fait voyager dans le temps.