INTERVIEW : Olivier Voarick, PDG, directeur générale, Lenôtre

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Elle est l’une des enseignes qui nous émerveillent en portant haut les couleurs de l’excellence culinaire française. Cette année, la maison Lenôtre fête les 50 ans de sa création par le chef Gaston Lenôtre. A cette occasion, son directeur général, Olivier Voarick nous a accordé un entretien exceptionnel pour nous parler de sa prise de position, juste avant la crise sanitaire, des forces de la société Lenôtre, de ses différentes activités de vente, de formation, de restauration et de conseil, mais aussi des perspectives de développement de cette célèbre maison qui en fait un des piliers de l’innovation gastronomique en France et dans le monde.

Saint-Honoré ©Caroine Faccioli

Vendom.jobs - Votre prise de position a eu lieu quelques mois avant le début de la crise. Quelles ont été vos premières dispositions face à la pandémie ?

Olivier Voarick – Un sentiment de stupeur nous a d’abord envahis. Personne alors ne pouvait se rendre compte de l’ampleur de ce qui arrivait. Pour nous, l’esprit d’équipe a été prépondérant. Nous avons tout de suite réfléchi à comment assurer la sécurité de nos collaborateurs. Ensuite, nous nous sommes penchés sur les attentes de nos clients. Que pourrons-nous faire et comment assurer également leur sécurité ? La particularité de la maison Lenôtre, et ce qui fait notre force est, que nous avons plusieurs activités. En fonction de la réglementation imposée nous avons lancé un audit qui a révélé que la seule activité que nous pouvions continuer était la vente. Nous avons également souhaité assurer la continuité de services supports pour rester à l’écoute de nos clients.

V.J. – Parmi vos activités, le secteur de la vente a donc contrebalancé la perte due à l’inactivité de l’événementiel. Avez-vous perçu d’autres tendances, durant cette période, qui pourraient se pérenniser selon vous ?

O. V. – Une grande tendance s’est accélérée : la virtualisation. J’entends, par-là, que le e-commerce s’est imposé comme nouveau canal de distribution et de consommation. Je suis d’ailleurs entré dans mes fonctions six mois avant la crise sanitaire. Or dans la stratégie que je présentais pour les années à venir, je souhaitais faire accélérer la partie e-commerce. En moins d’un an, de 2% de notre part de marché, ce canal est passé à 10%. Cela sans être au détriment de notre chiffre d’affaires global puisque nous avons fait une progression de 13%.

Le Pré catelan ©Richard Haughton

La seconde tendance que nous avons perçue est la capacité à être omnicanal. C’est-à-dire garder la solution numérique pour permettre à nos clients de nous découvrir, de commander, en click-and-collect ou en click-and-delivered, mais aussi la nécessité de conserver un réseau de boutiques physiques. Nous sommes très implantés dans des quartiers résidentiels et nos clients ont retrouvé le goût des achats chez leurs commerçants de proximité.

D’un point de vue tendance culinaire, nous ressentons l’influence des Millennials qui ont tendance à aller du très qualitative - circuit court - au burger. Nous avons pu constater la généralisation de la variété de consommation de nos clients. Nous avons alors adapté nos offres, rendues plus nomades, avec des prix accessibles et des produits de luxe. Depuis des années, nous sélectionnons les meilleurs ingrédients, nous avons bannis stabilisants et colorants. Nous privilégions les circuits courts et nous engageons dans la lutte contre le gaspillage en accords avec des initiatives comme Too Good To Go, Le Chaînon manquant, ou encore Les Restos du cœur.

V. J. - La maison Lenôtre fête, cette année, ses 50 ans. Quel(s) nouveau(x) chapitre(s) souhaiteriez-vous ouvrir pour cette marque mythique ?

O. V. – Nous avons redessiné nos valeurs et nos objectifs. La première de ces valeurs est de conserver notre caractère unique, par la diversité de nos activités, mais aussi, car nous incarnons l’excellence française engagée. Une des actions fortes de cet engagement est la transmission. Nous souhaitons conserver notre inspiration qui nous permet de répondre et anticiper les tendances de fond de la gastronomie quel que soit le régime - flexitarien, végétarien ou végan -, tout en faisant perdurer la bienveillance et l’esprit de famille incarnés par notre fondateur. Pour les 50 ans, il était important que notre école garde sa passion de la transmission en défendant et promouvant le savoir-faire français d’exception.

Le chapitre qui s’ouvre est de continuer cette transmission et, plus globalement, de défendre cette excellence française engage. Notre ambition est de rayonner à nouveau, non seulement en France, mais aussi à l’international en se redéployant avec une activité à international. Nous avons ouvert, en pleine pandémie, en Chine en décembre 2020. Nous prévoyons une nouvelle ouverture cet été. Nous avons aussi volonté de relancer des réseaux préexistants, comme le Japon, le Moyen-Orient, où nous souhaitons poursuivre notre développement.

Pâté de porc et volaille en croûte ©Caroline Faccioli

V.J. - Pourriez-vous nous parler du nouveau campus de l’Ecole des arts culinaires Lenôtre ? Le choix du site renforce la marque de votre engagement pour de meilleures pratiques de consommation ?

O. V. – Notre école a une mission : être une grande école de la gastronomie française. Nous avons été pionnés de l’excellence française engagée pour défendre notre patrimoine unique, former les professionnels de haut niveau de demain. Mais c’est surtout une école bienveillante et ouverte sur le monde. Nos élèves viennent de tous les horizons, tous les pays du monde. Chacun y est respecté dans son histoire, dans son ambition. Nous abordons toujours l’exigence qu’impose la gastronomie française avec la bienveillance de l’ensemble de nos chefs. Lenôtre est l’une des brigades européennes les plus titrées. Elle comporte de nombreux chefs étoilés, de MOF et de champions.

Nous nous adressons également à des professionnels de la gastronomie, voire à des amateurs éclairés qui ont envie de devenir des professionnels. Notre école se différencie, car elle est au sein de l’activité de la maison, ce qui fait que vous avez la possibilité d’apprendre le métier sous différents aspects. Par exemple, si vous êtes pâtissier, vous travaillerez pour le public, pour l’évènementiel, mais aussi à l’assiette au Pré Catelan. Nous sommes aussi une école qui sait partager les secrets de la maison, son savoir-faire pour créer des desserts qui ont une renommée mondiale.

Nous essayons aussi de moderniser notre approche de la formation. La démarche RSE à l’école est importante, car nous travaillons pour le futur de nos élèves et nous les sensibilisons sur les pratiques responsables. Je parlais de l’anti-gaspi qui est aussi au cœur de notre enseignement, le respect des sensibilités également. Donc le choix de Rungis n’était pas anodin, en effet. C’est un emplacement stratégique, à deux pas du plus grand marché de produits frais au monde. Pour rester au fait des tendances, nous avons créé un rooftop en bioponie de 200 m2 qui permet à nos élèves d’étudier un autre type d’agriculture et aussi d’utiliser les produits de leur propre agriculture.

V. J. - Il y aura-t-il de nouvelles formations ?

O. V. – Le cœur de cette formation est de devenir un des leaders des formations certifiantes et professionnelles, pour les aspirants ou les professionnels ayant besoin de parfaire leur parcours. Nous avons été amenés, en effet, à ouvrir de nouvelles offres. En B to B, traiteur ou vente, nous avons proposé, en écho à la crise Covid, des moments de partage au sein de notre école constitués de modules comprenant : faire son marché à Rungis, cuisiner ce qui a été acheté, et dans un esprit apéritif-master class, passer un instant convivial avec des chefs. Nous avons également adapté nos offres pour amateurs éclairés qui souhaitent se lancer dans la restauration, pour leur apporter un vrai complément de formation.

V. J. – Lenôtre œuvre aussi au sein des collectivités pour développer de meilleures pratiques ?

O. V. – Tout à fait, nous avons, au sein de notre activité, une unité de conseil nommée « Conseil Lenôtre ». Stratégiquement, elle tend encore à grandir. Comme notre communauté de chef au niveau mondial est importante, nous sommes capables de répondre à n’importe quel type de conseil. Un de nos premiers clients est notre groupe, Sodexo, qui regroupe plusieurs segments : entreprise, santé, éducation. Nous apportons notre conseil dans les offres culinaires et intervenons sur des problématiques comme la santé pour améliorer l’expérience non seulement gastronomique, mais aussi proposer des repas adaptés.

V. J. - Lorsque l’on évoque Lenôtre, on pense excellence gastronomique française, mais aussi innovation, celle dont a toujours fait preuve Gaston Lenôtre. Aujourd’hui, comment se manifeste-t-elle ?

O. V. – Nous avons deux approches. La première est que nous sommes sur un travail continu d’amélioration de nos incontournables. Si l’on prend la recette de Gaston Lenôtre de “La Feuille d’automne”, qui était déjà le chantre de l’allégé en sucre, nous avons encore fait baisser la matière grasse et le sucre de 30%. Nous innovons aussi en reprenant nos desserts traditionnels pour les twister avec d’autres parfums, d’autres tendances. Nous conservons les créations piliers de la tradition Lenôtre que nos clients connaissent bien, tout en utilisant de nouveaux produits, plus ancrés dans l’air du temps. Ainsi, pour Pâques, nous avons imaginé un œuf végan. Nous avons également créé un dessert 100% végétalien. Pour la fête des mères, nous avons réalisé un dessert fait avec des légumes. Nous embrassons les nouvelles tendances grâce à nos nouvelles créations en espérant que certaines deviendront des incontournables Lenôtre.

Millefeuille vanille ©Caroline Faccioli

V.J. – Le lancement du prochain salon “Excellence by Vendôm” est imminent*. Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’évènement créé par Vendôm ?

O. V. – Nous faisons un métier passionnant, mais qui souffre de difficultés de recrutement depuis plusieurs années. Nous nous confrontons souvent à une espèce de fatalité. Or depuis plusieurs mois, et la période Covid n’a fait que le confirmer, je pense que nous devons nous montrer innovants dans le recrutement et dans l’évangélisation de nos métiers. Cela passe non seulement par le recrutement, mais aussi par la qualité de l’accueil, la bienveillance, l’environnement de travail. Nous sommes à la recherche de techniques créatives pour faire découvrir nos métiers et recruter. Je pense que ce que propose Vendôm est tout à fait dans cette lignée.

https://www.lenotre.com/

(Crédit photo : Lenôtre)

*Rendez-vous en novembre 2022

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