Conversation avec Amandine Maroteaux : d’Avocate d’Affaires à Directrice de l’Atelier Compostelle, Agence d’Architecture d’Intérieur

Amandine Maroteaux a fait un pari audacieux en quittant sa carrière d’avocate d’affaires pour suivre sa passion pour l’architecture intérieure. Fondatrice de l’Atelier Compostelle, elle dirige une agence spécialisée dans la rénovation et l’aménagement d’intérieurs de prestige. Grâce à son approche artistique collaborative et une méthodologie rigoureuse, elle fait naître des espaces d’exception, dont la portée va bien au-delà du fonctionnel.

 

Dans cet entretien riche et inspirant, Amandine Maroteaux partage son parcours, ses inspirations et sa philosophie de travail. Elle nous parle du savant équilibre entre art, culture et fonctionnalité qu’elle insuffle dans ses projets. Et évoque son engagement pour l’empowerment des femmes à travers Féminin Pluriel Paris, une initiative qu’elle dirige avec passion.

 

Découvrez comment cette visionnaire parvient à concilier créativité et rigueur, tout en développant des espaces qui transcendent le simple utilitaire pour devenir de véritables expressions artistiques.

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Vous avez fondé l’Atelier Compostelle en 2014 après avoir exercé en tant qu’avocate d’affaires. Pouvez-vous nous parler du moment où vous avez décidé de suivre votre passion pour l’architecture intérieure et de créer votre propre agence ?

Parfois, les changements se produisent sans faire partie d’un plan de carrière. Je n’ai jamais eu envie de quitter le métier d’avocat. En revanche, j’ai eu la curiosité d’explorer une autre voie… À ce moment-là, différentes réflexions se sont croisées, dont celle portant sur des opportunités de marché, identifiées sur un marché spécifique de la rénovation d’intérieurs premium.

Certes, j’avais une passion. C’est d’ailleurs cela qui, sur la durée, permet à notre agence d’être parmi les meilleures et de progresser sans cesse. Mais avant tout, je voulais exercer un métier qui puisse évoluer, dans lequel ma place allait rapidement changer.

Diriger deux agences d’architecture et de décoration n’est pas le même métier que celui d’architecte d’intérieur. Avant de valider ce changement de carrière, j’ai aussi voulu m’assurer d’avoir la capacité à formuler une proposition de valeur, non répétitive, mais plutôt différenciatrice, et à haute valeur ajoutée.

Fondamentalement, je suis une personne très sociable. J’avais besoin de conserver un élément humain important, quelle que soit ma nouvelle carrière. Cela est toujours vrai aujourd’hui, plus que jamais.

 

En tant que Directrice Artistique de l’Atelier Compostelle, comment décririez-vous votre approche du design d’intérieur ? Quelles sont vos principales sources d’inspiration et comment les intégrez-vous dans vos projets ?

Mon approche de l’architecture d’intérieur est très simple : notre raison d’être est d’accompagner une évolution du mode de vie de nos clients, chez eux ou sur leur lieu de travail. Que ce soit pour traduire dans un espace physique un changement de fonction professionnelle ou une identité d’entreprise (suite à une fusion par exemple), nous sommes là pour jouer un rôle de catalyseur, en accompagnant toute la démarche, de la réflexion stratégique jusqu’au moment où les espaces sont installés et prêts à être utilisés.

L’architecture d’intérieur n'est pas que du concept ou du dessin. C’est avant tout un savoir-faire transversal incontournable. Étant le chef d’orchestre des projets, nous devons avoir la capacité de comprendre chacun des métiers qui rendent les projets  possibles : depuis les enjeux de management d’un client jusqu’aux nouvelles techniques d’applications de béton ciré.

Dans le quotidien, tout m’inspire. Nous dissocions les inspirations « projet archi » et les « business et stratégie ». Vous comprendrez ainsi que je m’inspire tout aussi bien d’une couverture d’un beau livre, que du rapport d’un big 4, d’une rencontre avec des artisans souffleurs de verre ou d’une conversation avec nos avocats.

Une source spécifique d’inspiration est le monde de l’art. J’ai une attirance particulière pour l’art contemporain, mais des idées (qu’elles soient liées au business développement ou au style d’un intérieur) peuvent tout aussi bien naître de conversations autour des céramiques de Delft, que des NFT.

J’aime passer des « temps calmes » à discuter ou réfléchir devant les tableaux de Rothko ou de Soulages, et converser avec des artistes émergents qui deviennent souvent mes amis.

Par contre, ce qui ne peut pas être une source d’inspiration, est tout ce qui a déjà été fait. Une source d’appréciation, oui, mais pas d’inspiration.

 

L’Atelier Compostelle est spécialisé dans les projets de rénovation et d’aménagement d’intérieurs de prestige. Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans ce domaine, et comment les abordez-vous pour garantir la satisfaction de vos clients ?

Permettez-moi de préciser nos domaines d’intervention. Nous avons une expertise globale avec un savoir-faire très local, que nous mettons au service de tous nos clients. Nous avons un positionnement premium, de par notre angle de vue et notre expérience ces 10 dernières années. Les intérieurs que nous aménageons sont autant résidentiels que des bureaux ; nous avons également fait quelques incursions dans le monde de l’hospitalité avec notamment le vaste lobby des Frères Ibarboure à Bidart.

Nos défis sont assez classiques : concilier en permanence l’excellence de nos interventions avec l'identification des futurs projets. Le temps est un facteur clé. Chacun de nous en a besoin, en aval des projets ou pendant leur déroulement.

Sur le plan du développement, nous faisons également face à la plus grande crise du secteur de l’immobilier depuis les quarante dernières années. Il s’agit donc d’une raréfaction des projets en raison d’un certain attentisme dans l’incertitude. C’est un défi majeur qui nous a amenés à remodeler nos offres, en proposant plus d’options ainsi que des conseils en « One day design » c’est-à-dire, une journée avec deux architectes d’intérieur sur une thématique spécifique.

 

J’ai lu que vous n’avez jamais souhaité devenir la meilleure architecte d’intérieur, mais plutôt développer la meilleure agence. L’équipe de l’Atelier Compostelle est composée d’une dizaine de talents féminins. Pourquoi avez-vous choisi de privilégier la présence féminine au sein de votre agence, et quelles sont les valeurs que vous partagez avec votre équipe ?

Vous avez raison, l’entreprise passe avant la personne ; même si j’en suis la dirigeante et pour le grand public, l’image. Au premier jour de l’atelier, nous étions déjà un petit groupe de 4 personnes, car j’ai débuté en collaborant avec un ingénieur et des architectes d’intérieur rencontrés à Cread. Mon ambition est que l’Atelier soit une agence reconnue parmi les meilleurs de notre époque. Tous ensemble, nous soignons chaque projet, chaque client, pour avancer et ancrer dans notre temps notre façon de voir les intérieurs.

Quant à la forte présence de femmes, il y a une part de hasard dans cela, ou peut-être que ma méthode de management et la philosophie de l’entreprise conviennent mieux aux femmes ? Même si le dernier arrivé en octobre pour gérer un nouveau pôle dédié à la menuiserie est un homme.

Nos valeurs sont plus celles d'une philosophie que tirées d’une liste de bonnes intentions. Nous faisons chaque jour de notre mieux, et sommes certaines qu’il faut donner pour recevoir : donner de son temps, de son attention, de sa considération pour tous les acteurs de notre écosystème.

 
L’architecture intérieure est souvent perçue comme une fusion entre l’art, la culture et la fonctionnalité. Comment arrivez-vous à équilibrer ces différents aspects dans vos projets, tout en créant des espaces uniques et personnalisés pour chaque client ?

Je suis tout à fait d'accord avec vous, sur l’association des cultures, croisant l’art, l’art de vivre et la praticité d’usage.

Le premier prérequis est de se mettre d’accord avec nos clients sur un vocabulaire propre au projet, d’avoir une vision commune et de développer un langage commun. Nous constatons que la première approche du projet est souvent un besoin fonctionnel, qui évolue rapidement vers une envie de partager et de transmettre une culture (notamment une culture d’entreprise) puis d’intégrer l’art comme un élément à part entière.

En ce qui concerne les espaces de travail, j’ai la conviction que l’art est un formidable moyen de communication, à la fois fédérateur et porteur d’une certaine vision du monde.
J’ai le plaisir d’être la curatrice du EY Club Art à Luxembourg. Pour moi, les clubs d’art ont vocation à créer du sens à travers une remise en question et une mise en « enjeux » séquencés et déployés dans le temps d’une série annuelle d’expositions. Nous souhaitons proposer la rencontre d’artistes développant un point de vue sur le monde qui nous entoure, tentant d’y apporter une réponse, de résoudre une contradiction ou de rendre possible une fusion de perspectives. En l'occurrence, le EY Club Art porte l’ambition de rapprocher différents publics autour de la création artistique, et de provoquer des rencontres parfois inédites avec le monde de l’art tout en matérialisant une vision commune d’un certain art de vivre.

 

Pouvez-vous nous parler d’un projet de rénovation ou d’aménagement qui vous a particulièrement marquée ? Expliquez-nous en quoi il représente l’essence même de l’approche de l’Atelier Compostelle en matière de design d’intérieur.

Chaque projet doit être « Compostelle », c’est ce qui fait notre force. Chaque personne qui nous confie un projet va retrouver dans nos propositions notre identité au service de son projet. Elle se traduit par une approche transversale des sujets, une compréhension des business et du mode de vie de nos clients, une vraie envie de bien les connaître avant de passer en phase de projet. Nous avons hérité de mon passé d’avocate et chez nous, tout est très organisé, planifié, documenté, avec des process finement réglés.

Il y a aussi des projets qui nous marquent davantage, surtout lorsque nous entretenons des relations fortes avec nos clients. Certains de mes meilleurs amis étaient d’abord des clients de l’Atelier. Ces projets permettent de développer des concepts plus audacieux, puisque nous finissons par si bien nous connaître et nous comprendre, que nous avons envie de prendre plus de risques. Je crois que c’est dans ce climat de confiance mutuelle que naissent les plus belles idées. Peut-être est-ce là l’essence même de Compostelle !

 

En tant que présidente de Féminin Pluriel Paris, quelles sont vos initiatives pour promouvoir l'empowerment des femmes dans le domaine de l'entrepreneuriat et du leadership ? Comment conciliez-vous cette mission avec les activités de l'Atelier Compostelle ?

FPParis a été créé dans les années 90. Je suis donc l’héritière d’une histoire, d’une tradition, d’une ambition voulue par nos fondatrices. Ma mission avec le board est d’ancrer Féminin Pluriel dans notre époque et de prendre à bras le corps les préoccupations du moment. Lorsque nous organisons un dîner-conférence, nous invitons des personnalités qui peuvent incarner des rôles modèles pour nos adhérentes. La place des mentors dans une carrière est une conviction forte que nous avons chez FP.

Nous sommes également engagées auprès d’autres organisations pour accompagner les jeunes entrepreneurs en les coachant sur de longues périodes et en leur ouvrant nos réseaux. Enfin, un autre exemple, nous sommes partenaires de EY et Microsoft pour le Hackathon Women in Gen IA 202 . Carole Sénéchal et moi-même sommes membres du jury et nous recevrons l’équipe gagnante lors d’un dîner de Féminin Pluriel.

Ces engagements sociétaux prennent du temps, c’est certain. J’y consacre environ une journée par semaine. « Donner pour recevoir » fait partie intégrante de l’ADN de Compostelle. Mes équipes viennent régulièrement aux dîners de FP, tout le monde au bureau comprend que je travaille à bâtir le monde de demain… et que mes interventions, par effet ricochet, ont aussi un impact positif sur la notoriété de l’Atelier et la perception qu’en a le monde extérieur.

 

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière dans l'architecture intérieure ou le design d'intérieur ? Quelles compétences et qualités sont essentielles pour réussir dans ce domaine ?

Il y a tellement de façons d’être architecte d’intérieur ! Le premier conseil serait de faire des stages, de visiter des agences, de rencontrer d’autres architectes, pour ainsi trouver sa voie... Créer une agence, rejoindre l’équipe concept d’un showroom, travailler comme chef de projet ou être dessinateur ultra spécialisé…

Les points communs à tous les bons et grands architectes d’intérieur sont la curiosité et la culture générale. Nos formations sont souvent similaires, mais les meilleurs travaillent davantage que les autres. Ils ont une meilleure connaissance des sujets transversaux que nous couvrons, allant des techniques du bâtiment aux artistes émergents sur la scène contemporaine.

 

Enfin, plus personnellement, si vous étiez…

Une boisson : un grand vin français !

Une matière : du velours bleu nuit

Une madeleine de Proust : une huile d’olive de Provence

Un livre de chevet : Je lis beaucoup, et de tout. En ce moment, l’histoire de la famille Maeght, écrite par Adrien Maeght. Tout est fascinant, exceptionnel, mais aussi tragique… Quels visionnaires ! J’aimerais être une biographie heureuse, inspirante et réconfortante.
 

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