INTERVIEW : Christophe Hay, chef doublement étoilé, directeur général de "Fleur de Loire" à Blois

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Une semaine à peine après l’ouverture de sa nouvelle maison Fleur de Loire, le chef Christophe Hay fait, à nouveau le plaisir à Vendôm de nous parler de sa philosophie de travail, mais aussi d’expérience, de son attachement aux professionnels de l’agriculture et de l’élevage qui l’entourent et de ce nouveau lieu atypique.

Avec ses 44 chambres et ses deux restaurants, dont le Christophe Hay - dont le chef a su préserver les secrets avant l’ouverture -, le bâtiment, pourtant situé en plein cœur de Blois, semble être totalement déconnecté de la ville. Entièrement tourné sur la Loire, le chef Hay a, plus que jamais, eu le projet de faire vivre une expérience ligérienne totale à ses hôtes avec, en prime, une vue exceptionnelle sur le château de Blois. Bien-être, convivialité, découverte des produits du terroir et prise de conscience de l’importance des métiers de la terre sont au centre même de cette vision. Une folie direz-vous ? Pas pour le chef Hay qui a toujours transmis ces valeurs d’humilité et de partage.

Vendom Talents - Fleur de Loire fut l’une des ouvertures des plus attendues de l’été. Pourriez-vous nous parler de sa genèse ?

Christophe Hay – L’idée principale était de faire avant tout un lieu convivial, une véritable maison. Le bâtiment de Fleur de Loire est un ancien hospice du 17 e on y retrouve donc cette notion d’hospitalité, d’accueil, de chaleur. Le lieu est constitué d’un bâtiment principal avec deux ailes de part et autre.  On se retrouve ainsi coupés du monde et nous avons choisi de végétaliser le centre pour rependre les greffes de la Loire, avec une vue exceptionnelle sur le château de Blois.

Les chefs quittent en général la ville pour s’installer à la campagne, j’ai choisi de faire le contraire, car c’est aussi cette ville qui m’a vu grandir professionnellement. J’y ai fait mon école hôtelière puis, j’ai commencé avec le chef Eric Reithler. Même si j’ai voyagé sur d’autres continents par la suite. J’ai une très grande fierté de revenir dans cette ville dans laquelle j’ai appris et développé ma passion pendant près de 10 ans.

Je souhaitais également que Fleur de Loire exprime l’art de vivre de la vallée de la Loire. Nous avons deux piscines : l’une construite sous la voûte, ancienne cave d’un bâtiment ; l’autre est en extérieur, à débordement avec une vue sur le château. Cette dernière semble contraster avec d’autres grandes destinations, où l’on une vue sur la mer ou un lac… L’originalité sera là d’avoir une vue sur un fleuve !

Nous avons aussi un spa Sisley, maison, bien entendu implantée dans la région, mais présente uniquement dans de très grands établissements ; ce qui fait notre fierté.

V. T. - Cette nouvelle adresse semble centrée avant tout sur la qualité de vie, sur le bien-être et les savoir-faire locaux. Ce projet est-il pour vous une nouvelle façon de développer votre amour du partage de l’excellence, mais aussi d’une vie saine basée sur l’observation de la nature ?

C. H. – En effet, et nos hôtes auront accès à notre démarche d’agriculture et d’élevage en toute conscience. Notamment, nous avons obtenu de la ville de Blois, intéressée par notre projet, 1 hectare et demi agricole en plein cœur de la ville. Nous y avons implanté un conservatoire de l’asperge, avec un référencement de 50 espèces d’asperges différentes. Nous avons d’ailleurs été référencés par la région. Il faut savoir qu’il n’y avait plus d’agriculteur d’asperges dans le Val de Blois.

V. T. - Pour un chef, très inspiré par les produits locaux, un nouveau lieu entraîne-t-il une nouvelle vision de sa cuisine ? Je pense notamment à la création de la serre aux agrumes.

C. H. – Nous avons créé, dans l’expérience de Fleur de Loire, une petite coursive courant le long du bâtiment. Notre but étant de mettre en éveil les sens, notamment olfactifs, en créant des petits jardins reprenant les essences des jardins solognots. Nous avons monté cette serre, car je suis un amoureux des agrumes. Cette passion est partie du cadeau que l’on m’a fait lors de mon installation en 2014 d’un citronnier quatre saisons. J’ai commencé à m’y intéresser et je possède actuellement 14 variétés différentes d’agrumes, dont les derniers cédrats de Collioure, des cédrats corses, etc.

J’ai donc fait monter une serre dans un esprit années 30, par une architecte qui les construit à Savigny. Je tenais à faire découvrir cette passion pour les agrumes à mes hôtes.

V. T. - Pourriez-vous nous en dire plus sur les deux restaurants de Fleur de Loire ?

C. H. – Le poumon de Fleur de Loire est la gastronomie, à travers ses deux pôles de restauration : "Le Christophe Hay", mon restaurant signature comportant 35 couverts ; le second restaurant, "Amour Blanc", est situé au pied de la Loire avec une vue magnifique sur Blois. J’ai trouvé important d’apporter ces deux offres, car avec un hébergement de 44 chambres, je tenais à offrir la possibilité de différentes propositions de la haute gastronomie.

Au Christophe Hay nous avons essentiellement des poissons d’eau douce avec les légumes du jardin et nos producteurs locaux. A "Amour Blanc" nous associons la Loire et la mer avec son estuaire, ce qui nous permet d’avoir des offres bien distinctes.

V. T. - Sur votre site, vous avez choisi de mettre en avant les gens qui vous ont accompagné sur ce projet : jardinier, artiste et artisan. Pourquoi ce besoin ? Pourriez-vous nous en parlé en quelques mots ?

C. H. – Les gens de ces entreprises, essentiellement locales, se sont investis autant que moi sur ce chantier dont la conception a été fortement réduite dans le temps en raison de la crise sanitaire. Malgré ce contretemps, nous avons réduit l’attente de l’ouverture à seulement 15 jours ! Il était donc normal, à mon sens, d’avoir une pensée pour eux en faisant découvrir leur art. Cela a été ma façon de les remercier.

Je pourrai vous citer d’autres producteurs comme Adèle Champdavoine avec qui l’on préserve la volaille emblématique de la région : la geline de Touraine. Christophe Piou qui nous produit également l’agneau solognot, qui était également en voie de disparition. Jean-Pierre Chaussard s’occupe de nos ruches. Je pense aussi aux éleveurs qui s’occupent de nos Wagyu depuis le début, Nicolas et Charlie Praizelin. Nos Wagyu sont désormais totalement élevés en bio avec ce qui est produit sur la ferme. La maîtrise du bien-être animal me tient vraiment à cœur. Je pense encore à Sylvain Arnoult qui m’a beaucoup appris sur les poissons d’eau douce. Il y a aujourd’hui très peu de pêcheur en Loire et il est vraiment ma force.

V. T. - Les chefs parlent souvent de leur envie de transmission à leurs jeunes collaborateurs. Comment l’appliquez-vous ?

C. H. – Ma force est celle d’être sincère et je ne considère pas être entouré d’employés, mais d’amis. J’ai toute confiance pour transmettre les rênes à la jeunesse. Hormis quelques postes pour lesquels j’ai fait appel aux services de Vendôm, nous sommes passés de 34 à 110 pour l’ouverture de Fleur de Loire, rien qu’en partageant ma philosophie et la teneur de mon projet sur les réseaux. J’ai été très touché de la confiance qu’ils m’ont accordée sur le bien-être au travail. Pour autant, je ne suis pas prêt à donner par exemple, 4 jours de repos par semaine. Notre métier est d’être aubergiste, j’insiste dessus, car beaucoup trop de restaurants ne peuvent pas assez recruter. L’essence de notre métier est un métier d’accueil où l’on est censés prendre soin de nos convives, alors que l’on se retrouve désormais avec beaucoup trop de restaurants fermés.

Mon choix a été de m’entourer justement d’un maximum de personnes, de repenser les équipes, afin de pouvoir les alléger sur les horaires petit à petit en les mettant une semaine du matin, une semaine du soir et leur laisser une semaine de repos. Ceci permettra aussi de briser la routine, car, à mon sens, c’est cela qui entraîne la démotivation.

Contrairement à d’autres collaborateurs, je n’ai donc eu aucun mal à recruter. Pour la partie réception, j’ai par exemple eu, dès mon annonce, une centaine de profils très intéressants, de même pour la partie hébergement, spa, etc. Il est vrai, cependant, qu’il est très difficile aujourd’hui de recruter dans la sommellerie, car beaucoup de jeunes diplômés partent dans les caves. Je trouve cela très dommageable. Pour moi, le sommelier dans une salle est un vrai créateur d’expérience, un conteur. Je pense qu’en France nous avons trop dénigré les métiers de services et nous le payons aujourd’hui en salle. Nous devons recréer ce lien avec nos hôtes.

V. T. - Pour finir, pourriez-vous nous parler de vos attentes en matière de collaboration et de talents ?

C. H. – Etant issu moi-même du monde agricole, une de mes grandes fiertés est d’être entouré à 50 % de personnes venant de familles d’agriculteurs qui sont intéressés par notre démarche. Ensuite, je ne m’attache pas à l’expérience. J’ai des jeunes gens qui sortent juste de l’école Ferrandi ou Paul Bocuse. Je les accueille sur mon ressenti, si je sens qu’ils ont envie de grandir dans cet environnement, je n’hésiterai pas à les mettre sur de très beaux postes. Le meilleur exemple est mon premier chef, avec qui j’étais descendu de Paris, Charles Bernabé, qui vient d’ouvrir son restaurant à Nantes : Les Cadets. Quand il est arrivé avec moi, il sortait de l’EDHEC. Il est venu me rencontrer et à la vue de sa motivation, sa fougue et de sa passion du métier, je l’ai embauché, même s’il n'avait jamais mis les pieds dans une cuisine.

Fleur de Loire

24 quai Villebois Mareuil, 41 000 Blois

+33 2 30 32 14 37

(Crédit photo : Fleur de Loire)

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