Interview

Nadège Daussy : une vision du luxe entre héritage, humanité et audace

Directrice Générale de l’Auberge du Jeu de Paume, Relais & Châteaux, Nadège Daussy incarne une nouvelle génération de dirigeantes : ancrée, inspirante et profondément humaine. Son autorité ne repose pas sur le statut, mais sur l’expertise, l’écoute et la force du collectif. 
Avec plus de vingt ans d’expérience au sein de groupes internationaux, elle a d’abord construit une carrière solide dans la finance hôtelière avant de faire ses preuves comme manager. Rigueur, bienveillance, sens du collectif : elle a su développer un style de direction à la fois ancré et inspirant, qui place l’humain au cœur de la performance. 

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Initialement Directrice Gestion et Organisation depuis 2024, elle a récemment été promue Directrice Générale et dirige l’Auberge du Jeu de Paume à Chantilly, joyau Relais & Châteaux niché au cœur d’un patrimoine unique. Sous son impulsion, cette maison d’exception entre dans une nouvelle ère : un subtil équilibre entre tradition française, hospitalité contemporaine et engagements durables, désormais portée par la vision du groupe portugais Sana Hotels. 

Dans cette interview exclusive, Nadège revient sur les étapes fondatrices de son parcours, partage sa conception du luxe, et dévoile ses ambitions pour faire rayonner cette maison d’âme, tournée vers l’avenir mais fidèle à son héritage. 

Avant d’endosser des responsabilités de direction, il y a souvent un moment fondateur, parfois discret, parfois éclatant. Quelle a été, pour vous, cette première impulsion qui vous a conduite vers l’univers de l’hôtellerie ? 

L’hôtellerie m’a toujours fascinée. Dès mon plus jeune âge, j’étais captivée par l’effervescence des hôtels : l’accueil, l’attention aux détails, le rythme des équipes. Cette passion m’a naturellement conduite à intégrer une école hôtelière à 15 ans. Lors de mes premiers stages, j’ai compris que ce métier dépassait le simple service : il s’agissait de créer des expériences et de travailler au cœur d’une dynamique humaine. 

Le moment le plus marquant de mon parcours fut mes quinze années au sein du groupe Marriott, dont la culture managériale américaine valorisait l’envie, la détermination et la passion, indépendamment de l’âge ou du diplôme. Cette expérience m’a donné confiance, m’a permis de progresser et a forgé ma vision humaine et engagée du leadership hôtelier. C’est cette combinaison entre une vocation précoce et une culture managériale inspirante qui a posé les bases de mon engagement. 

Votre parcours témoigne d’une progression construite avec rigueur et constance. Vous avez su faire évoluer vos responsabilités tout en restant fidèle à une culture d’excellence, comme en témoignent notamment le titre de Meilleure Manager de l’année 2006 ou le Marriott European Award of Best Control Environment en 2015. Quelles qualités, selon vous, ont été déterminantes pour atteindre un tel niveau d’excellence ? Et que représentent, avec le recul, ces distinctions dans votre trajectoire ? 

Les qualités clés qui m’ont portée sont la rigueur, la fiabilité, et surtout une soif constante d’apprendre. Je n’ai jamais considéré un poste comme acquis, chaque défi était une occasion de grandir et d’élargir ma vision. 

Proactive dans la recherche de solutions et le développement des talents, je cultive aussi une écoute attentive et une présence forte sur le terrain, ce qui m’a permis de bâtir une relation de confiance avec équipes, clients et hiérarchie. 

Les distinctions reçues, comme Meilleure Manager en 2006 ou le Marriott European Award en 2015, sont des étapes importantes. Plus que des aboutissements, elles valident un management alliant exigence et bienveillance, performance individuelle et succès collectif, des principes que je veille à incarner au quotidien. 

Vous avez bâti une expertise de haut niveau dans le domaine de la finance hôtelière, qui vous accompagne aujourd’hui dans votre rôle de directrice générale. En quoi cette maîtrise technique éclaire-t-elle votre vision stratégique et structure votre prise de décision au quotidien ? 

Ma formation et mon parcours en finance hôtelière sont un socle très solide dans ma fonction de directrice générale. Cette maîtrise technique me permet d’avoir une lecture fine et objective de l’activité, au-delà des impressions ou des intuitions. Elle éclaire ma vision stratégique, car elle me donne les outils pour prendre des décisions éclairées, argumentées et alignées avec la réalité économique de l’établissement. 
La finance, dans l’hôtellerie, ce n’est pas qu’une affaire de chiffres : c’est un langage qui permet de comprendre la performance, de mesurer l’impact de chaque action, d’anticiper les risques et d’identifier les leviers d’amélioration. Elle me permet aussi d’arbitrer rapidement, de prioriser les investissements, d’adapter les ressources, tout en gardant en tête la qualité d’expérience client et le bien-être des équipes. 
C’est un véritable atout d’agilité au quotidien, notamment dans un contexte où la réactivité est essentielle. Cette expertise m’a aussi donné une crédibilité forte en interne — notamment auprès des propriétaires et des partenaires financiers — et m’a permis de bâtir des dialogues de confiance. 
Enfin, je dirais que cette base financière m’apporte une forme de sérénité dans la prise de décision : je peux aller vite, mais jamais à l’aveugle. 

Vous avez récemment pris la direction générale de l’Auberge du Jeu de Paume, un lieu à la fois chargé d’histoire et tourné vers l’avenir. Quelles valeurs souhaitez-vous mettre en avant dans cette nouvelle mission, et quels horizons tracez-vous pour cet établissement d’exception ? 

L’Auberge du Jeu de Paume est un lieu chargé d’histoire en pleine évolution. Je souhaite pérenniser le travail remarquable d’Emmanuel Schott, mon prédécesseur, qui a redonné à l’établissement sa place dans l’hôtellerie de luxe française. 

Mes valeurs clés sont l’authenticité, le raffinement et une excellence vivante, sincère et accessible. Mon ambition est de faire de l’Auberge une maison à taille humaine où émotion, générosité et cadre valorisant pour les équipes vont de pair. 

Intégrés au groupe Sana Hotels, nous partageons une exigence de qualité irréprochable et un engagement durable envers l’environnement et la société. Je souhaite renforcer notre ancrage territorial à Chantilly, tout en développant une offre sur-mesure pour une clientèle haut de gamme en quête d’expériences singulières et responsables. 

Mon horizon est celui d’une maison élégante, audacieuse et durable, alliant héritage et innovation, portée par les valeurs du groupe Sana Hotels. 

Dans un monde en quête de sens, le luxe ne peut plus se contenter d’être une promesse esthétique ou statutaire. Quelle est, à vos yeux, l’essence véritable du luxe aujourd’hui ? Et comment cette conviction irrigue-t-elle vos choix, au quotidien, en tant que dirigeante ? 

Le luxe ne se résume plus à l’apparat ou à la rareté. Pour moi, il réside dans l’attention sincère, la qualité du lien humain et l’expérience personnalisée. C’est un luxe vivant, respectueux, qui se vit avec justesse et délicatesse. 
Dans ma manière de travailler, cela signifie une exigence portée avec humanité : créer des expériences sur-mesure, écouter au-delà des attentes explicites, orchestrer chaque détail comme une marque de considération. 
Cette vision s’applique aussi au management, où excellence rime avec bien-être des équipes. Un service exceptionnel naît d’une énergie collective fondée sur la confiance, l’attention et la reconnaissance. Le luxe est alors un art relationnel, noble et généreux. 

Enfin, si vous vous projetez au-delà du présent immédiat, quels vous semblent être les enjeux majeurs qui façonneront l’hôtellerie de demain ? Et quel rôle aimeriez-vous y jouer, à votre manière, avec ce regard à la fois ancré et en éveil qui vous caractérise ? 

L’hôtellerie de demain répondra à un besoin d’attention vraie, d’expériences sur-mesure, de lieux chargés d’âme. Dans un monde accéléré, les voyageurs chercheront des espaces d’authenticité et de ralentissement. 
Les enjeux technologiques, culturels et humains sont nombreux, mais l’essentiel reste la création d’une relation professionnelle et chaleureuse, dans un cadre d’excellence. 
À mon échelle, je veux porter une vision qui conjugue exigence et sens, performance et transmission, en étant à la fois appui et moteur. Entre héritage et innovation, discipline et intuition, je puise ma légitimité pour aider l’hôtellerie à s’adapter aux défis futurs. 

Et pour terminer sur une note personnelle, si vous étiez :  

  • Un lieu emblématique :

L’Alhambra, à Grenade. Plus qu’un simple monument, c’est un véritable carrefour culturel où se mêlent influences andalouses, arabes et chrétiennes, symbole d’une histoire riche et complexe. Ce lieu illustre parfaitement la capacité à accueillir la diversité, à valoriser les héritages multiples et à offrir une expérience immersive, raffinée et authentique — des valeurs fondamentales pour l’hôtellerie d’excellence. 

  • Un tableau à accrocher à l’Auberge du Jeu de Paume :

Les Singeries du Château de Chantilly, avec leurs singes aux attitudes humaines, mêlent humour et raffinement. Elles rappellent que l’hôtellerie doit surprendre, captiver, allier subtilité et singularité pour offrir une expérience mémorable. 

  • Un livre  :

Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit de Jean d’Ormesson, une invitation à réfléchir sur le temps, la mémoire et la beauté de la vie. Ce livre incarne rigueur et légèreté, exigence et bienveillance — un équilibre qui guide mon leadership et souligne l’importance de la transmission. 

  • Une œuvre architecturale :

Notre-Dame de Paris, en reconstruction : symbole de résilience et de transmission, cette œuvre incarne la capacité à se réinventer tout en respectant un héritage. Comme l’hôtellerie, elle allie mémoire, modernité et ambition. 

 

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