04/11/2020

INTERVIEW : Tim Weiland, directeur général de The Alpina Gstaad *****

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The Alpina Gstaad***** se dresse comme un immense chalet aux allures de château surplombant le village le plus glamour des Alpes suisses. Derrière la façade du bâtiment enveloppé par les Alpes, 56 chambres et suites à l’atmosphère mêlant tradition et contemporanéité cosy mais aussi des offres bien-être et gastronomiques qui entrent en résonnance avec un exceptionnel environnement naturel. Tim Weiland, son directeur général depuis deux ans, a œuvré sur différents continents au sein du groupe Aman. Il continue à suivre l’idéal de respect des ressources naturelles qu’offre le cadre de l’hôtel nommé plusieurs fois « meilleur hôtel de vacances » et considéré comme l’une des 100 plus belles adresses au monde par Travel + Leisure. Tim Weiland se dévoile comme un hôtelier concerné et engagé possédant une vision aiguisée des problématiques actuelles et futures.  

Vendom.jobs - Gstaad est la destination mythique des Alpes suisses. Avec la concurrence de destinations émergentes (Asie du Sud-Est, pays du Golfe…), comment la station réussit-elle à garder son aura internationale ?

Tim Weiland – En effet, nous vivons actuellement dans un monde bouleversé. Toutefois, ici, à Gstaad, nous sommes complets. Bien entendu, la Suisse est considérée comme l’un des pays les plus sûrs pour les voyageurs, mais, au regard de la situation actuelle, ce pouvoir d’attraction étonne beaucoup d’hôteliers qui ont encore du mal à faire revenir leur clientèle. La force de Gstaad est son image de petit village, de destination retirée, pratiquement vierge avec ses paysages de glaciers, de lacs, de rivières, de montagnes, … Le succès de la station repose, donc à la fois sur cette image de milieu naturel et de sécurité (les distanciations sociales sont par exemple respectées même en randonnée).

V.J. – Quelle est actuellement la typologie de votre clientèle ? Ses attentes ont-elles évoluées ?

T. W. – Bien entendu, notre clientèle internationale la plus lointaine venant des Etats-Unis, de l’Inde, du Moyen-Orient n’est pas là. Elle représente, en temps normal, au minimum 50% de nos hôtes estivaux. Elle a été remplacée par une clientèle européenne qui n’hésite pas à faire de nombreuses heures de route en voiture afin d’éviter les aéroports et les zones de contrôle. Actuellement, nous accueillons, donc essentiellement des Français, des Belges, des Allemands, des Hollandais, des Suédois, etc.

Comme je viens de l’évoquer, ils cherchent en priorité le grand air et la sécurité. Ils viennent pour fuir les grandes agglomérations et se reposer. Nous avons d’ailleurs observé un phénomène très amusant. Notre piscine extérieure connaît cette saison un tel succès que nous avons été pris de court et avons dû ajouter des chaises longues. Ils ne viennent, donc plus pour ce que la montagne peut leur offrir, le paysage et le calme leur suffisent.

V.J. – Pour quelles raisons êtes-vous passé d’un groupe international à un hôtel indépendant ? Quels ont été les apports d’une telle expérience dans votre carrière ?

T. W. – J’ai passé plus de 10 ans dans le groupe Aman. Je lui suis extrêmement reconnaissant notamment en raison des opportunités de voyages et de promotions qu’il a pu m’offrir. J’ai pu accéder à des destinations auxquelles je n’aurais pas nécessairement pensées ou même choisies. Toutes ont été, au final, de magnifiques opportunités et de belles expériences. Aman reste un groupe de taille modéré qui laisse beaucoup de liberté pour grandir et s’épanouir.

Même si The Alpina Gstaad est affilié à des organismes, comme Swiss Delux Hotels, et garde une certaine structure, nous sommes loin des cadres corporate des très grands groupes. Il était important pour moi de voir les deux côtés du métier, afin de ne pas être étiqueté d’une marque, d’un groupe. L’avantage de travailler pour une adresse indépendante est aussi de montrer que l’on est capable d’être indépendant et visionnaire, contrairement à un groupe qui demande plus de rapports, de normes.

V.J. – Pensez-vous qu’il est plus aisé de mener une politique managériale participative dans un hôtel indépendant ?

T. W. – Aman reste un relativement petit groupe qui permet beaucoup de flexibilité. Mais un groupe garde, bien sûr, ses règles, son positionnement marketing auquel il est possible de participer, mais sur lequel nous ne pouvons réellement avoir d’influence. Contrairement à un hôtel indépendant tel que The Alpina Gstaad dont l’identité à court ou à long terme reste la responsabilité du directeur. Il est donc évident que chacun peut plus facilement apporter sa pierre à l’édifice.

V.J. – Les voyageurs apprécient désormais les contacts humains, de ne plus être considérés simplement comme un client. Quel message faites-vous passer à vos équipes concernant ce positionnement ?

T. W. – Personnellement, j’essaie de voir chaque client à l’arrivée ; même si je suis en réunion, je vais le saluer. Cela permet aussi de faire comprendre aux équipes l’importance du client. Nous nous devons de savoir s’il s’agit d’un habitué - si c’est le cas, savoir quand il est venu pour la dernière fois -, s'il s'agit d’un premier séjour... S’il vient en famille, s’enquérir de ses enfants… C’est une philosophie qui est vécue et comprise par l’équipe. Ensuite, nous essayons au quotidien de créer la plus grande fluidité possible entre les départements afin de communiquer les habitudes du client : par exemple, quand il va prendre son petit-déjeuner afin que sa chambre soit refaite en son absence. Même de toutes petites attentions permettent à nos hôtes de se sentir comme des visiteurs à part entière et non de simples numéros de chambre. De nos jours, il est vrai que les solutions numériques telles que les CRM nous aident énormément sans pour autant automatiser le contact avec le client, elles nous permettent d’être plus réactifs.

V.J. – En tant qu’adresse saisonnière, quelle est votre politique de recrutement à The Alpina Gstaad ?

T. W. – Avant d’envisager des campagnes de recrutement, notre objectif est de maintenir les équipes, de les former et leur donner la possibilité d’évoluer en interne. Lorsque nous envisageons un candidat, nous examinons en premiers lieux son caractère et sa motivation. J’ai toujours été convaincu qu’une personne motivée est la plus capable de mener à bien son travail. Etant une adresse saisonnière, nous recherchons également une certaine expérience. En début de saison, nous passons en quelques jours à un taux de remplissage maximal, il serait donc difficile de former des équipes entières durant ces périodes très intenses.  C’est également pour cette raison que nous prenons malheureusement peu de stagiaires. Nous sommes en contact avec de nombreuses écoles hôtelières, hélas, les périodes de stage ne correspondent que rarement avec notre saisonnalité.

V.J. – Quelles sont, en interne, les solutions de formation que vous proposez ?

T. W. – A chaque début de saison, nous invitons quelques spécialistes dans des domaines donnés. Par exemple, une semaine avant le début de la saison, nous avons accueilli les représentant des différentes marques utilisées dans le spa afin de présenter et expliquer aux thérapeutes les produits qu’ils vont utiliser et vendre. Ces formateurs délivrent alors à nos collaborateurs participant à ces formations des certificats.

V.J. – The Alpina Gstaad promeut et travaille depuis ses débuts sur une consommation responsable. Pourriez-vous nous en dire plus ? Quelles seraient les prochaines étapes de cet engagement ?

T. W. – En effet, les traitements dispensés par Six Senses sont très holistiques et permettent d’intégrer des produits naturels. Nous avons, à ce titre en son sein, une activité nommée « Alchimy Bar » où sont enseignées aux clients les vertus de telle plante ou huile essentielle afin qu’ils composent eux-mêmes leurs produits. Les clients recherchent ces moments interactifs qui permettent de relier un environnement sain à une expérience, mais aussi de s’informer sur la qualité des traitements qu’ils utilisent.

The Alpina Gstaad porte en lui des valeurs écoresponsables et se fait fort de proposer à ses hôtes d’appréhender le milieu naturel dans lequel il séjourne. Par exemple, nous élevons nos propres abeilles. Nos ruches sont à 50 m de l’établissement et les clients peuvent se rendre par petits groupes et en tenue (au sigle de l’hôtel) pour apprendre avec l’apiculteur comment manipuler les ruches, sortir le miel, etc. Ce sont des expériences simples, proches de la nature que peu de gens ont déjà eu la possibilité de pratiquer et cela plaît beaucoup. Beaucoup sont ravis de découvrir dans un hôtel 5 étoiles la possibilité de faire son propre miel, mais aussi d’apprendre l’importance des abeilles au sein de notre écosystème. Ils obtiennent au terme de cette formation un certificat. Ce sont de petites actions que nous essayons de multiplier. 

Nous veillons aussi à nos émissions de CO2 : nous achetons local et de saison, etc. Nous réfléchissons à beaucoup de nouveaux projets dans ce sens, mais je préfèrerais les révéler quand ils auront été actés.

Je dois avouer que nous sommes très fiers de nous positionner en leader dans ce mouvement « mindful luxury » ; terme que je préfère à « sustainability » un peu trop généraliste. Nous ne sommes, en effet, pas un ecoresort, mais un hôtel 5 étoiles, nous promouvons derrière nos actions cet esprit « mindful » que nous nous engageons à encore développer.

V.J. – Vous évoquiez les produits locaux, l’offre culinaire imaginée par votre chef étoilé Martin Göschel – Sommet* 17 au Gault & Millau et MEGU* 16 au Gault & Millau - est le pendant de cette prise de conscience.

T. W. – Pour être honnête, cet aspect est encore grandement perfectible. Nous nous fournissons au maximum de façon locale et en respectant la saisonnalité des produits. Notre chef entretient son propre potager, nous confectionnons notre miel, nos confitures, etc. Cependant, pour satisfaire les désirs de nos hôtes, nous continuons à importer de nombreux produits, comme le bœuf de Kobe ou encore du thon rouge de l’Atlantique qui est une espèce en danger.  

Ces sujets sont particulièrement sensibles pour nous. Nous devons fixer la limite entre se plier à la demande du client même si elle n’est plus acceptable dans le cadre d’une consommation responsable ou arrêter de travailler ces produits.  Nous sommes encore dans une période de transition. Beaucoup de clients sont très concernés par ces problématiques et apprécient la grande variété de nos cartes qui satisfont les pratiques végétariennes aussi bien que véganes. D’autres restent encore sur leurs anciennes habitudes de consommation. Notre rôle, en tant qu’hôtelier, est aussi de faire bouger les lignes et enseigner peu à peu à nos visiteurs que l’on peut faire de la haute gastronomie en respectant ce qui est bon pour leur santé et la planète, notamment grâce aux menus dégustation du chef Göschel.

Nous avons d’ailleurs organisé l’an passé un évènement en partenariat avec une organisation basée à Genève, Less Saves the Planet, dont le but était de promouvoir une prise de conscience : manger bien, mais manger moins. De nombreux réflexes sont à acquérir dans notre culture gastronomique comme le fait de manger bio, mais local car il est désormais inconcevable de manger des produits bio qui parcourent la moitié du globe. Et, inversement, si nous mangeons local nous devons privilégier le bio et les petites exploitations. Sans aller dans les extrêmes, ce sont de petites actions mises bout à bout qui font évoluer les choses.  

V.J. – Si vous aviez un vœu à formuler pour la période post-crise, quel serait-il ?

T. W. – Je pense que les gens devraient voyager avec plus de conscience. Ne pas juste aller dans un endroit pour prendre des photos et les partager sur les réseaux sociaux, mais vivre l’endroit, le moment, l’expérience, rencontrer les gens. Vivre ces instants dans tous leurs aspects. Ce qui n’était pas le cas encore très récemment. Il est devenu tellement facile et peu onéreux de prendre l’avion pour ne visiter que pendant quelques jours un lieu. Je souhaiterais que les gens appliquent cet esprit « mindful » à leurs déplacements. Qu’ils se posent la question de l’impact de leur voyage pour l’environnement, mais aussi la destination. Je suis convaincu que nous devons continuer à voyager, à rester ouverts à d’autres cultures. Si nous avons la chance à Gtsaad d’être moins impactés actuellement, au niveau mondial pour notre secteur cette crise est une catastrophe.

Je dis souvent à mes clients d’aller se promener, de marcher, de prendre le temps de regarder, observer, sentir les parfums, être attentifs aux bruits de la nature… Ici, il est possible de partir en randonnée muni d’une gourde et de la remplir à un ruisseau. Un élément vital qui n’est malheureusement pas aussi accessible pour une large part de la population mondiale. Ceci est un vrai luxe dont nous devons prendre conscience !

The Alpina Gstaad *****

Alpinastrasse 23,

3780 Gstaad, Suisse

+41 33 888 98 88

(Credit photo: The Alpina Gstaad)

 

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