Manuel Mallen : Visage De La Rébellion Joaillière Chez Courbet

Manuel Mallen, CO fondateur et président de la maison de joaillerie Courbet, est un véritable précurseur dans son secteur. Après une longue carrière où il a officié sur différentes marques prestigieuses, il a décidé en 2017 de se lancer un nouveau défi : créer avec son associée Marie Ann Wachtmeister une marque de joaillerie à la fois éthique et écologique, tout en maintenant l'excellence des savoir-faire traditionnels.

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Son pari ? Proposer des créations joaillières d'exception grâce à l'utilisation de diamants de laboratoire et d'or recyclé, sous la devise « sans le bien, le beau n'est rien » ; une approche audacieuse et alternative qui bouscule les codes d'un secteur parfois trop conventionnel.

Au-delà de cette innovation de rupture, Manuel Mallen souhaite inscrire Courbet dans la lignée des plus grandes maisons de la place Vendôme, revendiquant les mêmes exigences de qualité et de design.

Dans cet entretien inspirant, cet entrepreneur qui bouscule nous confie ses convictions, ses ambitions pour Courbet mais aussi sa vision éclairée d'une joaillerie plus responsable et durable. Un plaidoyer engagé pour une industrie capable de réinventer ses modèles, sans renier ses racines et son incroyable patrimoine.

Bonjour, pourriez-vous vous présenter et nous exposer les grandes lignes de votre parcours professionnel ?

Bonjour, je m’appelle Manuel Mallen, j’ai 57 ans. J’évolue dans le monde de la joaillerie depuis 30 ans. J’ai notamment travaillé pendant 25 ans chez Richemont pour différentes marques (Piaget, Baume et Mercier), sur des territoires comme la France, la Suisse et l’Espagne.

En 2013, j’ai racheté avec un associé et un fond la marque Poiray. J’en suis parti début 2017 parce que je n’étais pas d’accord sur leur stratégie ; mais surtout pour créer l’année suivante, la marque Courbet.

Qu'est-ce qui vous a particulièrement attiré dans la création de la maison Courbet ?

D’abord, c’était l’envie de créer une idée un peu différente, sur un territoire très classique et très traditionnel. Il ne s’agissait pas de tout bousculer (ou de se montrer disruptif, terme très à la mode !), mais plutôt de fabriquer des bijoux en diamants, avec une approche et des procédés novateurs.

Lorsqu’on veut créer une marque de luxe, on est souvent obligé de faire des compromis sur l’esthétique ou la qualité. Dans le cas de Courbet, aucun compromis : nous utilisons de l'or recyclé provenant des téléphones portables et des ordinateurs, ainsi que des diamants de laboratoire (nous sommes associés avec une chercheuse du CNRS pour créer du diamant en France). Ce procédé est compliqué ; il reproduit avec exactitude la formation du diamant datant de millions d'années et entraine de l’incertitude dans son résultat, quant à la qualité du diamant. Ainsi, pour garantir la beauté de nos créations, nous n’utilisons que les plus beaux, la « crème » de ces diamants. L’idée qui nous animait était de se dire que ce diamant et cet or, qui viennent tous deux de la haute technologie, peuvent arriver sur l’établi d’un artisan qui réalise les mêmes gestes depuis 3 générations.

Positionner Courbet Place Vendôme était une évidence. Nous ne sommes pas des usurpateurs ; nous y venons parce que nous en respectons aussi les conditions, notamment l’excellence des matériaux utilisés. Nos parcours respectifs dans la joaillerie à Marie-Ann et moi nous rendaient aussi légitimes de venir nous y installer. Et c'est justement cette idée-là que je trouvais assez sympa !

Nous faisons de la création, du design, du sur-mesure avec deux designeuses à plein temps, mais faisons aussi naître des collections, notamment autour du C et du O, les deux premières lettres de COURBET. Les artisans qui travaillent pour nous sont les mêmes que ceux qui travaillent pour la place Vendôme. Ils ont un vrai savoir-faire.

C’est ce mélange-là qu’on trouvait assez fantastique à mettre en avant : luxe, écologie, tradition, Haute Technologie. 

Il fallait bien sûr se nourrir du désir de réaliser ce pari, un peu de courage ainsi qu’un brin de folie ! 

Notre mission, qui est toujours la même, est de réconcilier le bien et le beau. D’ailleurs, une phrase que nous utilisons souvent pour définir Courbet : « sans le bien, le beau n’est rien ».

Chez Courbet, vous avez contribué à sortir le diamant de culture de la confidentialité. Comment avez-vous procédé pour changer la perception de cette pierre ? 

En effet, nous avons été les précurseurs en création joaillère haut de gamme avec des diamants de laboratoire. Nous avons été les leaders sur ce marché et nous continuons à l’être.

Il a fallu sortir ce diamant de cette ornière, et cela n’a pas été simple ! En face, les lobbys sont hyper puissants… Courbet perturbe, c’est une évidence. Nous remettons en cause un paquet de choses sur le diamant de mine, sa rareté, son prix… Mais c’est agréable d’être perturbateur, c’est un rôle qui me plait bien !

Nous avons donc beaucoup étudié sur ce diamant de laboratoire, qu’on appelle également « diamant de culture ». En France d’ailleurs, et c’est regrettable, nous sommes l’un des derniers pays à continuer de le nommer « diamant de synthèse ».

Depuis le départ, nous continuons de faire beaucoup d’éducation, notamment dans les écoles.

La route est longue. Elle n’est pas terminée.

Sur cette pierre, le procédé est assez simple à expliquer : vous ne faites « que » reproduire ce que la nature a fait. Les exemples en ce sens sont nombreux. Il y en a un qui est assez fantastique, c’est le bébé éprouvette ! Le diamant de laboratoire est un bébé éprouvette. Dans les 2 cas de figures, nous sommes d’accord qu’il n’y a pas de différences entre ces deux bébés. C’est la même chose pour les diamants.

L’avantage de notre diamant, c'est qu’il ne détruit pas la planète. Il faut néanmoins beaucoup d’énergie pour le produire ; mais si l’énergie est propre et décarbonée, où est le mal ? La France possède et exploite la troisième énergie la plus décarbonée au Monde.

Chez Courbet, nous arrivons donc à réaliser la même chose que la joaillerie traditionnelle, sans les désagréments. Je n’exposerai pas ici les problèmes écologiques causés par l’extraction des mines (qui sont d’ailleurs les plus gros trous faits par l’homme sur la terre) ou les conditions humaines éprouvantes que cette exploitation engendre, mais extraire des diamants des mines est terrible pour la planète…

Nos diamants sont ainsi créés en laboratoire, par des gens en blouse blanche, bien traités et bien payés. Très souvent, les gens sont très étonnés de comprendre notre processus de création, mais pour un ingénieur, le processus est finalement assez basique et comprend que le résultat final est identique. La formation de toutes ces pierres est une réaction physique-chimique.

C'est merveilleux que l’homme ait eu la capacité de reproduire cette magie-là !

Selon vous, Courbet est une « maison rebelle ». En quoi cette approche disruptive (un mot très à la mode, j’en conviens !) se traduit-elle au niveau de vos créations et des matériaux utilisés ?

Je ne sais pas si nous sommes une maison rebelle, je dirai plutôt une maison alternative. J’aime bien cette référence à un vieux film : « Rebel with a cause » (La fureur de vivre). Chez Courbet, nous avons une vraie cause à défendre, à partager et à faire entendre : celle d’obtenir exactement le même résultat, avec des procédés différents.

Dans nos designs, nous sommes aussi relativement classiques. Beaucoup de nos modèles représentent les premières lettres de Courbet, CO qui veulent dire « être ensemble », ce qui a beaucoup de sens par rapport à notre histoire.

Notre démarche était vraiment voulue : rivaliser avec la place Vendôme et revendiquer le même niveau. Nous ne sommes pas des extrémistes, nous présentons juste une alternative.

Après, si le design, le service ne plaisaient pas, je pourrais comprendre que le client aille ailleurs…

Vous déclarez vouloir « réconcilier l'Homme et la pierre précieuse ». À votre avis, quelles sont les attentes et les désirs actuels des clients en matière de joaillerie ?

Les désirs sur la joaillerie sont toujours les mêmes.

La joaillerie a cette particularité unique : on sait pourquoi on offre, ou pourquoi on reçoit un bijou. Très souvent, elle est un marqueur de l’agenda des gens : des fiançailles, un mariage, une naissance, un nouveau job, le permis, une augmentation… Le bijou apparaît à ce moment-là.

En revanche, je pense que les jeunes générations (qui sont sensibles aux problématiques écologiques qu’on leur rabâche d’ailleurs depuis qu’ils sont nés), trouvent chez nous ce qu’ils recherchent : un bijou qui va garder une certaine tradition et qui va utiliser des matériaux qui respectent leur idéal et leurs convictions.

Ce n’est pas donc pas tout à fait une réconciliation, c’est plutôt l’opportunité d’apporter ce bonheur-là à des gens réfractaires (qui connaissaient le problème des mines), tout en respectant leurs engagements et leurs croyances.

L'enjeu de la transmission des savoir-faire semble crucial. Comment Courbet aborde-t-elle ce sujet ?

En France et en Italie, le savoir-faire des artisans est exceptionnel. On l’utilise au quotidien ; il ne faut pas le perdre. Il faut être honnête, le savoir-faire de qualité a un prix, souvent plus onéreux, mais il se mérite ! Pour nous c’est important de continuer de travailler avec ces gens-là.

À ces savoir-faire traditionnels, s’ajoutent des savoir-faire technologiques. Le procédé de création d’un diamant de laboratoire en France est assez incroyable et complètement novateur. Dans cette dynamique, nous avons aussi l'opportunité d’avoir une partie de sourcing français (il y a ce côté cocorico qui est formidable), mais également l’envie d’utiliser l’une des énergies les plus décarbonées au Monde. Le bilan carbone d'un carat de diamant fait en France est équivalent à celui d’une tasse de Nespresso. C’est fantastique ! C’est même intouchable.

Selon vous, quelles seront les grandes tendances à venir dans le secteur joaillier ? (matériaux, process, distribution...) ?

Les grandes tendances sur le secteur joaillier se dessinent depuis très longtemps déjà. Nous l’avons dit, la joaillerie est un marqueur de l’agenda des gens. Chez Courbet, nous faisons beaucoup de sur-mesure. Ce secteur donne également lieu à une notion de fidélité du client, qui reviendra s’il a précédemment trouvé son compte chez nous. Cette fidélité se travaille en direct avec lui.

Je pense que la principale tendance est là.

Il est aussi intéressant de souligner que le métier de la joaillerie est le moins brandé du secteur luxe. Soixante à soixante-dix pourcent des achats joailliers sont des bijoux sans marque. Il y a donc un manque de marques.

La prochaine tendance pourrait aussi venir de là.

La marque rassure, porte et véhicule des valeurs. Porter un bijou de marque est une forme d’engagement, cela veut dire quelque chose.

Chez Courbet, j’espère que nos clients sont fiers de ce que nos bijoux représentent et des valeurs sur lesquelles nous nous sommes engagés.

Vous prônez une joaillerie durable et éthique. Quelles démarches avez-vous mises en place en ce sens ?

Nous l’avons vu, ces qualités font partie de notre ADN. Nous essayons de pousser les curseurs le plus loin possible. Nos cordons sont en polyester recyclé, nos écrins en cuir recyclé avec une teinture bio ou organique lorsque c’est possible, made in France ; nos livraisons à Paris et en Île de France sont réalisées autant que possible en vélo ; nos colis expédiés en Europe peuvent être renvoyés par nos clients à des fins de réutilisation…

Toutes ces actions sont importantes pour nous. Mais il faut que ce soit toujours beau !

Quels conseils donneriez-vous à tout entrepreneur ?

Soyez doté d’une sacrée capacité de résilience, sachez bien vous entourer, apprenez à bien déléguer. Ayez foi et envie !

Et enfin, plus personnellement, si vous étiez…

Une destination de vacances : le Sud Ouest : le pays basque, l’Espagne… dont je viens. Avec ses traditions, ses jeux, ses chants, son sens de la fête communautaire, qui me plait par-dessus tout !

Une matière à toucher / sentir : le bois, qui porte une histoire.

Un livre de chevet : Une prière pour Owen de John Irving

Un plat : il y en a beaucoup, je suis un gourmand ! Mais je dirai le gratin de macaronis de ma grand-mère, garni de béchamel et de chair à saucisse ; simple mais absolument parfait !

 

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