Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et dresser les grandes lignes de votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a motivée à vous spécialiser dans le design textile et la création de tapis sur mesure ?
J’ai toujours aimé dessiner et voulu devenir artiste. Ma mère était restauratrice de tableaux. Je l’ai toujours vue travailler dans son atelier. Les choses se sont faites naturellement. L’école n’était pas trop un espace de déploiement pour moi. Mais je voyais déjà que j’avais plus de facilité que mes camarades pour dessiner.
Après avoir échoué de peu au concours d’entrée des Beaux-Arts (un échec heureux !), j’ai étudié en Design Textile à LISAA où mes prints ont rapidement été repérés par un agent-diffuseur. J’ai ensuite travaillé pour une agence qui proposait des motifs de tissus pour la mode.
Quelques années plus tard, un de mes amis cherchait une Direction artistique pour une manufacture de tapis et m’a proposé cette aventure. Je n’avais pas les compétences requises, mais j’ai dit OUI ! Je sentais qu’il fallait que je le fasse. J’ai alors beaucoup appris auprès des artisans, des ouvrières, des filateurs… et j’ai compris le long processus créatif qui se cache derrière la naissance d’un tapis. C’est un travail collégial passionnant ! Je suis tombée amoureuse du processus de création d’un tapis.
Mes expériences en décoration et en mode m’ont donné envie de créer mon propre univers : celui de réaliser du print pour la décoration intérieure.
Au début des années 2000, peu de manufactures m’ont suivie parce qu’elles pensaient que cela ne pourrait pas se vendre. Je n’ai pas abandonné. J’ai abordé d’autres manufactures et j’ai réalisé un tapis pour ma maison (un grand léopard !). Il a plu à mon entourage. Puis rapidement à d’autres personnes. C’est comme ça que j’ai commencé à réaliser des pièces pour le résidentiel. Progressivement, les hôteliers m’ont approchée
Comment abordez-vous le processus de conception d’un nouveau tapis, depuis l’idée initiale jusqu’à la réalisation finale ?
La qualité des matières premières va profondément influencer le résultat final (la teinte, la tisse etc.). Le tapis est un objet complexe qui doit bien vieillir et évoluer dans le temps. Évaluer l’aspect technique d’un tapis est une étape fondamentale avant de se lancer dans sa fabrication.
Toutes mes créations sont pensées et réalisées sur mesure. Je m’adapte à l’univers de chaque projet, qu’il soit résidentiel ou hôtelier. Je dois comprendre les attentes de mes clients, leur style et leurs désirs.
Mes clients sont des collectionneurs et des amateurs d’art. Je dois donc être très exigeante dans mon travail. La plupart du temps, ils aiment participer à la création, main dans la main avec moi.
Certains ont une idée précise, tandis que d’autres n’ont pas le temps et me laissent carte blanche.
Dans tous les cas, je réalise toujours mes dessins à la main et propose trois maquettes. Il y en a toujours une qui séduit.
Quel est, selon vous, le rôle du savoir-faire dans votre domaine d’expertise ? Comment celui-ci influence-t-il la qualité et l’unicité de vos créations ?
J’ai acquis mon savoir-faire grâce au lien et au dialogue quotidien que j'entretiens avec mes manufactures. J’ai tout appris des artisans.
Je dessine et je crée en fonction de la qualité du tissage. Les dessins ne sont pas traités de la même façon pour un tapis noué à la main fabriqué au Népal que pour un tapis tufté.
C’est vrai, j’ai créé au fil du temps mon propre style, que l’on peut reconnaître aussi bien dans les tapis dessinés que dans les tapis avec plus de matières.
Aujourd’hui, je travaille avec quatre manufactures, qui proposent des qualités de tissage différentes (en Inde, au Népal ou en Chine).
Toutes sont certifiées garantes du respect de la matière et du travail des individus. Le dialogue avec eux est quotidien. La confiance est mutuelle et partagée.
En quoi consiste votre approche de la co-création avec vos clients et comment influence-t-elle le résultat final de vos réalisations ?
Je prends toujours en compte les idées et les propositions de mes clients. Je m’y adapte, tout en insufflant mon regard et mon style. Comme dit précédemment, c’est un travail main dans la main qui est réalisé.
La plupart de mes projets sont réalisés avec des architectes qui connaissent parfaitement ma façon de travailler. Je suis très réactive dans le processus de création, c’est l’avantage d’être une petite structure.
L’une des choses qui me satisfait le plus dans mon travail, c’est lorsque mes clients me disent qu’ils ont l’impression que leur nouveau tapis a toujours été là.
Vous avez travaillé avec des architectes renommés et réalisé des projets pour des lieux prestigieux. Comment intégrez-vous les contraintes architecturales dans la conception de vos tapis ?
Un tapis n’est pas seulement un outil décoratif, c’est un objet qui permet de définir des espaces et de rassembler du mobilier. Il a surtout l’incroyable capacité de rendre l’acoustique d’une pièce plus agréable.
Je travaille ainsi main dans la main avec les architectes, en prenant en compte différents aléas comme le sens de la circulation et les différentes arrivées de lumière.
Pouvez-vous nous parler d’une création particulièrement significative pour vous ? Nous voudrions en savoir plus sur les inspirations et les défis que vous avez rencontrés lors de sa réalisation...
Je reste extrêmement discrète sur mes projets et le nom de mes clients, afin de garder une certaine confidentialité. Chaque tapis est unique ; c’est donc un renouvellement constant, un défi permanent que de proposer un produit juste, original et d’une qualité irréprochable.
Je m’inspire des nombreux livres qui logent sur mon bureau. Au moment où je vous parle, j’en vois trois : un ouvrage sur la tapisserie flamande, un autre de Jean Lurçat et un exemplaire d’Interior design review, qui retrace des vieux shootings américains des années 90.
Ce qui m’inspire le plus, ce sont les tapisseries d'après-guerre. Ils avaient tout compris de l’ornement à cette époque !
Enfin, plus personnellement, si vous étiez…
- Un film : « Peau d’Âne » de Jacques Demy
- Une citation : « L’habileté doit être telle qu’elle passe inaperçue et que ce que l’on exige d’un danseur, d’un cavalier, d’un pianiste, doit l’être aussi bien de l’artiste ». Dom Robert
- Un animal : un cheval
- Un vêtement : un jean
Retrouvez le travail de Marguerite Le Maire : https://www.margueritelemaire.com/